
En 2023, on estimait à 263 millions le nombre de nouveaux cas de paludisme et à 597 000 le nombre de décès dus au paludisme dans le monde et surtout en Afrique : environ 432 000 enfants africains sont morts du paludisme en 2023. Dans ce contexte, l’arrivée de deux vaccins antipaludiques (VAP) RTS,S/AS01 (Mosquirix) et R21/Matrix-M qui agissent contre P. falciparum, le parasite du paludisme le plus répandu en Afrique et le plus meurtrier à l’échelle mondiale, représente une avancée considérable. Ces deux vaccins sont recommandés depuis octobre 2023 par l’OMS pour prévenir le paludisme chez les enfants.
En 2019 a débuté le programme pilote de mise en œuvre du VAP (MVIP) par le vaccin RTS au Ghana, au Kenya et au Malawi, (2 millions d’enfants vaccinés) pour évaluer son efficacité. Ce programme a entraîné une baisse sensible de la mortalité (-13 %) chez les enfants qui avaient l’âge requis pour bénéficier du vaccin, ainsi qu’un recul du nombre d’hospitalisations pour paludisme grave. Le MVIP, coordonné par l’OMS et soutenu financièrement par Gavi (l’Alliance du vaccin), le Fonds mondial de lutte contre le paludisme et Unitaid a été un succès et ses enseignements ont été pris en compte pour le vaccin R21.
Recommandés pour la première fois par l’OMS en octobre 2021, ces VAP sont, en avril 2025, utilisés au travers de programmes de vaccination dans de très nombreux pays africains (Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Côte d’Ivoire, Ghana, Kenya, Libéria, Malawi, Mozambique, Niger, Nigéria, Ouganda, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sierra Leone, Soudan, Soudan du Sud et Tchad) et d’autres sont aujourd’hui en cours d’introduction. Ces programmes concernent essentiellement la vaccination des enfants vivant dans des zones d’endémie palustre, en donnant la priorité aux zones de transmission modérée ou élevée mais les pays concernés peuvent également envisager d’assurer la vaccination là où la transmission est faible si cela est décidé au niveau national après une étude précise des rapports coûts/efficacité. Dans tous les cas, les VAP doivent être fournis dans le cadre d’une stratégie globale de lutte contre le paludisme.

Ces VAP doivent être administrés selon un schéma à 4 doses aux enfants à partir de l’âge de cinq mois mais les programmes de vaccination peuvent choisir d’administrer la première dose à un âge plus tardif ou légèrement plus précoce en fonction de considérations opérationnelles. Une cinquième dose, administrée un an après la quatrième dose, peut être envisagée dans les zones de transmission hautement saisonnière ou dans celles où le risque de contracter le paludisme reste élevé au cours de la troisième année de vie ou au-delà. Dans les zones où la transmission du paludisme est hautement saisonnière ou dans lesquelles la transmission du paludisme a lieu tout au long de l’année avec des pics saisonniers, les pays peuvent envisager de proposer la vaccination en adoptant une approche fondée sur l’âge ou sur la saisonnalité, ou une approche hybride combinant ces deux options.
En termes d’efficacité, il est constaté que les deux VAP permettent de réduire de plus de moitié le nombre de cas de paludisme au cours de la première année suivant la vaccination, période pendant laquelle les enfants courent un risque élevé de contracter la maladie et d’en mourir. Une quatrième dose de vaccin administrée au cours de la deuxième année de vie prolonge la protection. Lors d’essais cliniques, les deux vaccins font baisser de 75 % le nombre de cas de paludisme lorsqu’ils sont administrés pendant la saison palustre dans les zones de transmission hautement saisonnière où une chimioprévention du paludisme saisonnier est assurée. L’impact est maximal lorsque l’on a recours à une combinaison de stratégies de prévention, de diagnostic et de traitement recommandées par l’OMS, adaptées au contexte local par le pays concerné.

Le VAP RTS,S et le VAP R21 ont été respectivement préqualifiés par l’OMS en juillet 2022 et en décembre 2023 ce qui en garantit l’innocuité et la qualité. Si ces deux vaccins n’ont pas fait l’objet d’étude comparative directe rien ne prouve qu’un vaccin est plus efficace que l’autre : ils sont considérés comme similaires. Le vaccin R21, qui est actuellement moins cher que le vaccin RTS,S (2 à 4 dollarsUS/dose), devrait avoir un rapport coût-efficacité similaire à celui des autres interventions de lutte contre le paludisme, et les deux VAP sont considérés comme financièrement très avantageux par rapport aux autres vaccins pour enfants. Le choix du vaccin à utiliser dans un pays donné doit se fonder sur les caractéristiques programmatiques, l’approvisionnement et le prix.
Du fait de ces données, la demande de VAP est aujourd’hui massive puisqu’au moins 30 pays d’Afrique prévoient d’introduire le VAP dans leurs programmes de vaccination des enfants et de l’intégrer à leurs stratégies nationales de lutte contre le paludisme, soit au niveau national (Ouganda, Kenya, Burkina Faso, Zambie, Burundi, Ghana, Malawi, Côte d’Ivoire …) soit à des niveaux régionaux (Ethiopie, Togo, Guinée, Mali… ). Sachant que deux VAP sont recommandés et disponibles, l’approvisionnement devrait être suffisant pour répondre à cette forte demande. Pour autant, le maintien de la chaine du froid, la formation des agents de santé représentent encore des défis importants pour mener ç à bien ces campagnes.
En revanche, de fortes incertitudes se font jour concernant le financement. A ce sujet, Gavi, l’Alliance du Vaccin, a instauré une politique exceptionnelle de cofinancement limité dans le temps pour ces VAP afin de les rendre plus abordables pour les pays qui sont cependant incités, comme c’est le cas actuellement au Kenya, à intégrer l’achat de vaccins dans leur programme de santé. Les mesures de réduction financière récemment prises par les Etats-Unis touchent directement Gavi, mais semblent avoir peu d’impact car la réduction porte plutôt sur ses programmes de recherche/développement et non sur les campagnes de vaccination qui bénéficient par ailleurs de fonds importants provenant de donateurs via Gavi.

Comme cela a pu être souligné aux récentes Actualités du Pharo, ces campagnes impliquent d’importants efforts de communication en utilisant tous les moyens disponibles (radios locales, leaders religieux, agents de santé) et en favorisant l’engagement des communautés C’est à cette condition que l’adhésion et l’acceptabilité de la vaccination est obtenue, effaçant les mythes et les hésitations vaccinales.
Le déploiement à grande échelle de ces VAP permettrait de sauver des dizaines de milliers d’enfants chaque année. Selon les estimations tirées des études de modélisation, environ 500 000 décès d’enfants pourraient être évités grâce aux VAP chaque année si ces vaccins sont déployés à grande échelle dans les zones de transmission modérée et élevée du paludisme.