
Du fait du risque d’’engagement de la France et du Service de santé des armées (SSA) dans un conflit de haute intensité en particulier à l’est de l’Europe par solidarité stratégique entre les trente-deux États membres de l’Otan, un travail d’anticipation, de préparation et d’accompagnement est mené entre le SSA et la Direction générale de la santé (DGS). Ce travail amène à réfléchir à la réorganisation des hôpitaux civils dans une telle éventualité.
Déjà, en 2022, la mise à jour du protocole pluriannuel santé-défense-budget avait clairement établi l’appui de la santé civile au SSA dans une telle hypothèse alors que, jusqu’alors, comme en rendent compte les attentats de 2015, c’était le SSA qui venait en soutien de la santé civile. Lors de l’exercice Orion en 2023 dont l’objet était de planifier en interministériel le soutien du monde civil aux militaires, 4 fiches mesures sont ressorties pour la santé qui ont abouti, conjointement de la part du SSA et de la DGS à l’écriture de doctrines et de procédures, à la mise en place d’organisations cibles et à la participation à des exercices et expérimentations. L’idée générale est que pendant que le SSA fait un effort sur la zone avant, par exemple à l’est de l’Europe, il doit être soutenu en zone arrière, au sein de l’hexagone. C’est ainsi que la DGS a communiqué ces derniers mois auprès des hôpitaux civils via les ARS autour des points suivants :
– Le transfert des files actives de patients des hôpitaux militaires vers leurs pendants civils ;
– Le soutien aux nations alliées dont les soldats stationnent ou transitent sur le sol français ;
– La gestion des flux de blessés dans les hôpitaux civils ;
– L’hospitalisation des militaires dans les hôpitaux civils.
Cela doit aboutir à l’élaboration et à la diffusion prochaine au sein des hôpitaux civils d’un vade-mecum consacré à la prise en charge et au parcours de soins du blessé de guerre. Pour autant, pour les hôpitaux civils, il convient de s’appuyer dans les grandes lignes sur ce qui fonctionne déjà en cas de situations sanitaires exceptionnelles : les dispositifs Orsan et Orsec.
Ce sujet a été largement commenté lors du congrès « Urgences » qui s’est tenu à Paris mi-juin 2025 en particulier par le Pr Mathieu Raux, anesthésiste-réanimateur à l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière à Paris et conseiller médical auprès de la DGS. A cette occasion, ont également pu être soulignés par les spécialistes du SSA les enseignements issus de l’actuelle guerre en Ukraine, en particulier l’évacuation très délicate des blessés, le niveau de violence, le détournement des normes et des conventions internationales, des blessés qui sont également malades et psychotraumatisés, les blasts et les polycriblages liés aux obus à sous munitions, les difficultés d’approvisionnement et de moyens, toutes notions nouvelles qu’il convient d’appréhender au sein du SSA comme des hôpitaux civils.
Lors de son intervention, le Pr Raux a évoqué et commenté les conséquences d’un tel positionnement des hôpitaux civils en cas d’engagement dans un conflit de haute intensité. Savoir faire le deuil de l’offre de soins actuelle, accepter le manque potentiels de moyens obligeant à des adaptations et à se montrer plastique, maitriser la communication en particulier via les réseaux sociaux, répondre à un besoin de blessés civils ou militaires mais continuer parallèlement à assurer des soins à la population, limiter le recours à l’hospitalisation de ces blessés de guerre porteurs de germes résistants, tenir compte de la militarité des blessés, de leur engagement pour la nation à consentir la blessure voire la mort et leur garantir une fraternité d’armes, comprendre que le blessé militaire doit reprendre son activité, savoir accepter les directives de l’autorité militaire. C’est aussi bien sur s’inscrire dans une organisation territoriale bien définie qui repose sur les plans Orsan et Orsec. C’est donc un long chemin à parcourir pour ces hôpitaux qui doivent évidemment s’inscrire dans la résilience de la nation.
Force est de constater qu’il existe une volonté de la part des autorités d’anticiper les risques liés à un engagement de haute intensité et qu’un travail de co-construction civilo-militaire est déjà largement engagé. Il est curieux de relever qu’un tel travail fasse l’objet de scoops dans une certaine presse même si l’on comprend qu’il revêt nécessairement un certain degré de confidentialité.